
Damas prépare l’introduction de nouveaux billets allégés de deux zéros afin de restaurer la confiance dans une livre syrienne effondrée par plus d’une décennie de guerre et d’inflation. Cette réforme monétaire, appuyée par Moscou, devrait entrer en vigueur en décembre, marquant une rupture symbolique avec l’ère Assad.
La Banque centrale syrienne s’apprête à franchir une étape majeure. Selon plusieurs sources bancaires et documents consultés par Reuters, elle projette d’émettre à partir du 8 décembre de nouveaux billets de banque, en supprimant deux zéros à la livre syrienne. L’objectif : alléger les transactions quotidiennes et enrayer la spirale de dépréciation qui a fait perdre plus de 99 % de sa valeur à la livre syrienne depuis 2011.
Aujourd’hui, il faut près de 10 000 livres pour obtenir un dollar, contre 50 avant le déclenchement du conflit. Une telle chute du pouvoir d’achat a contraint les ménages à transporter des sacs de billets pour régler leurs dépenses courantes, la coupure de 5 000 livres étant la plus élevée en circulation.
La réforme, préparée depuis l’été sous la supervision du vice-gouverneur de la Banque centrale Mukhlis al-Nazer, sera accompagnée d’une période de coexistence de douze mois, jusqu’en décembre 2026, durant laquelle anciens et nouveaux billets circuleront ensemble. Pour imprimer la nouvelle série, Damas s’est tourné vers la société publique russe Goznak, déjà fournisseur de la Syrie sous Assad.
Au-delà de l’aspect technique, cette réforme vise également à réaffirmer l’autorité de l’État sur une masse monétaire estimée à quelque 40 000 milliards de livres circulant hors du système officiel. Elle s’accompagnera d’une campagne d’information publique en amont de son lancement prévu le 8 décembre, date symbolique correspondant au premier anniversaire de la chute d’Assad.
Mais l’efficacité économique de la réforme divise. Des économistes mettent en garde contre le coût élevé d’une refonte monétaire complète, qui pourrait se chiffrer en centaines de millions de dollars, et contre les risques de confusion pour la population. « Émettre simplement des coupures plus élevées, comme 20 000 ou 50 000 livres, aurait pu suffire », estime l’économiste syrien Karam Chaar, consultant auprès de l’ONU.
Pour les autorités syriennes, la suppression des zéros doit néanmoins permettre de reprendre le contrôle sur une masse estimée à 40 000 milliards de livres circulant hors du système bancaire officiel. Une opération qui se veut à la fois pratique, politique et symbolique, et dont le succès dépendra de la capacité du pays à restaurer une stabilité économique encore fragile.