Les capitaux saoudiens en première ligne de la relance du ciment syrien

Cimenterie de Tartous (image d’archives, Sputnik)

Portée par l’urgence de la reconstruction et la levée progressive des sanctions, l’industrie cimentière syrienne attire de nouveaux investisseurs, au premier rang desquels l’Arabie saoudite. Multiplication des projets, partenariats stratégiques et modernisation d’usines illustrent la volonté de Riyad de s’imposer comme acteur clé dans un secteur vital pour l’avenir du pays.

La fin officielle de la guerre civile syrienne, en décembre 2024, a ouvert une nouvelle ère de paix relative qui aiguise les appétits. La reconstruction du pays, estimée à 80 à 100 millions de tonnes de ciment nécessaires sur la prochaine décennie, suscite un vif intérêt de la part des investisseurs régionaux et internationaux.

Le gouvernement syrien a déjà pris des mesures incitatives : en juin, le ministère de l’Économie et de l’Industrie a suspendu les taxes sur le ciment pour soutenir la compétitivité locale. Mais derrière cette façade de stabilité, l’instabilité politique et sécuritaire demeure, accentuant les enjeux stratégiques pour les investisseurs.

Tartous au cœur des convoitises

La Société générale pour la fabrication et la commercialisation du ciment et des matériaux de construction (Al-Omran), qui supervise les cimenteries publiques, a organisé fin août une réunion à l’usine d’Adra, près de Damas, afin de présenter les opportunités d’investissement dans la cimenterie de Tartous, la plus importante du pays avec 1,8 million de tonnes de capacité annuelle. L’événement a rassemblé des représentants de plus de quinze entreprises originaires de Syrie, d’Arabie saoudite, de Jordanie, du Liban, d’Irak, de Turquie et même d’Allemagne.

Des acteurs turcs et saoudiens en première ligne

La Turquie, qui exportait déjà un million de tonnes de ciment par an vers la Syrie pendant le conflit, anticipe un triplement de ce volume. Selon Volkan Bozay, directeur de l’Association turque des fabricants de ciment, les entreprises turques comptent profiter largement de la manne de la reconstruction, tout en rappelant que la disponibilité de financements extérieurs sera déterminante.

Mais c’est surtout l’Arabie saoudite qui s’impose comme investisseur de poids. En juillet, Northern Region Cement Co a inauguré, dans la zone industrielle d’Adra, une usine de ciment blanc de 150 000 tonnes par an, pour un coût de 20 millions de dollars et la création de plus de 1 000 emplois directs et indirects. Quelques jours plus tard, une délégation de 130 hommes d’affaires saoudiens participait au Forum d’investissement syro-saoudien à Damas. À cette occasion, un accord stratégique a été conclu entre Al-Omran et le Saudi Northern Group for Cement Manufacturing, prévoyant transferts de compétences, maintenance des équipements et développement de nouvelles gammes de ciment. Ce partenariat s’inscrit dans un ambitieux programme d’investissement de près de 3 milliards de dollars, incluant la construction de trois cimenteries.

Modernisation et expansions locales

Parallèlement, les cimenteries syriennes multiplient les projets de modernisation. Hamah Cement Co procède à une rénovation complète de son usine de 1,5 million de tonnes par an, dotée d’un nouvel équipement allemand (Haver & Boecker) de conditionnement. La société prévoit également le lancement prochain d’un ciment de qualité supérieure.

La société privée Al-Badia Cement Co, soutenue par le groupe saoudien Al Muhaidib Holding, investit plus de 200 millions de dollars pour agrandir ses lignes de broyage et construire une deuxième unité de production, portant sa capacité à plus de 5 millions de tonnes annuelles.

Une industrie en quête de partenaires internationaux

La reconstruction syrienne ne pourra reposer uniquement sur la production locale. Les importations, notamment en provenance de Turquie, resteront indispensables. Toutefois, l’engagement massif de Riyad pourrait repositionner l’Arabie saoudite comme un pilier de la relance industrielle syrienne.

La question demeure de savoir si d’autres investisseurs – européens ou chinois – oseront s’aventurer sur ce marché encore marqué par les cicatrices de la guerre. L’expérience controversée de Lafarge, accusée d’avoir financé des groupes armés pour maintenir ses activités durant le conflit, plane toujours comme un avertissement. Mais pour ceux prêts à assumer le risque, la reconstruction syrienne s’annonce comme l’un des plus vastes chantiers du Moyen-Orient au cours de la prochaine décennie.

Cet article a été traduit et édité par Syria Intelligence (Cemnet.com, « Saudi investors spearhead Syria’s cement recovery », le 07 août 2025).

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