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L’erreur de miser sur Jabhat Al-Nosra

Les tentatives d’enjoliver Jabhat Al-Nosra et de l’inclure dans le camp de la révolution syrienne ont échoué, malgré les parrainages et les armements reçus, et en dépit du fait d’avoir été catégorisé comme moins barbare que sa sœur Daech. Les deux groupes sont en effet tous deux terroristes, et sont la prolongation de l’organisation mère d’Al-Qaïda. Daech est la continuation du groupe d’Al-Zarkaoui, tué en Irak, et Al-Nosra a quant à elle annoncé officiellement suivre la direction d’Al-Zawahiri, actuel chef d’Al-Qaïda.

Trois différentes forces se combattent aujourd’hui en Syrie : le régime syrien et ses alliés, les groupes terroristes comme Daech ou Jabhat Al-Nosra, et enfin l’opposition nationale syrienne modérée, principalement représentée par l’ASL.

Les soutiens sont trois forces : en premier lieu l’Iran, qui soutient le régime d’Al-Assad ; la deuxième supporte l’opposition nationale modérée, comme l’ASL, et la troisième l’opposition terroriste, Al-Nosra plus précisément.

La dernière équipe s’est cru intelligente en dressant un des deux monstres. Elle a choisi Al-Nosra car celui-ci, à la différence de Daech, ne publie pas de vidéos effrayantes et acceptait les marchandages et les négociations. Les objectifs d’Al-Nosra n’ont rien à voir avec les revendications des Syriens dans leur soulèvement populaire arabe : la mainmise et l’avènement d’un Etat qui lui est propre et faisant concurrence à Daech.

Et malgré la clarté des différences entre le patriotisme et le terrorisme, ces forces extérieures se sont aventurées à soutenir Al-Nosra, croyant qu’il était possible de dresser un animal sauvage, le domestiquer par l’argent et les armes, le contrôler, le monter jusqu’au bout du chemin puis s’en débarrasser ! La direction d’Al-Nosra a été plus intelligente que Daech, en ayant ménagé cette impression et a marchandé la vie de ses captifs, sans tous les égorger.  Sa récompense ? la voilà exempte de poursuites. L’on ferme les yeux sur ses transferts de troupes aux points de passage et aux frontières.

Les motivations de l’équipe ayant adopté Al-Nosra sont dues à la volonté d’utiliser un groupe féroce que l’on pense capable de défaire les forces d’Al-Assad, connues pour leur violence, et se heurter au Hezbollah et au reste des milices extrémistes, porteuses d’un fond idéologique et militaire similaire à Al-Nosra. Et, en effet, l’organisation a accompli des succès militaires, des centaines de ses membres ont exécuté des opérations-suicides en Syrie, certains ont changé le cours des batailles. Al-Nosra est restée malgré tout un groupe terroriste impossible de dresser et ses objectifs se heurtent au reste des factions syriennes opposantes, considérées comme mécréantes et qu’il convient de combattre. A quoi bon donc se débarrasser des mauvaises forces d’Al-Assad pour les remplacer par une organisation qui l’est tout autant ?

Ces stratèges, qui pensent de façon tactique pour résoudre le problème d’aujourd’hui seulement, ferment les yeux sur les résultats dévastateurs de demain. Ils réitèrent ce qu’il s’est passé ces deux dernières décennies, lorsque certains accordèrent leur soutien au Hezbollah et à des groupes palestiniens dissidents, jusqu’à que le danger se fît plus grand sur le Liban et la Palestine.

Ces trois dernières années, l’ASL a été marginalisée, celle-là même qui était le réceptacle des forces syriennes opposantes et qui refusé de brandir des slogans extrémistes religieux et discriminatoires. Quant à Al-Nosra, ce n’est qu’un groupe terroriste ayant tiré profit des cordes contradictoires tirées les unes contre les autres, dont la corde du régime syrien, facilitant ainsi les coups portés à l’opposition.

Il y a là une autre équipe, qui a également fait de mauvais calculs. Des stratèges occidentaux ont cru que resserrer l’étau sur les groupes syriens nationaux modérés comme l’ASL les contraindrait à accepter une solution politique, et à œuvrer sous le commandement du régime d’Al-Assad pour se débarrasser du chaos. Le résultat fut le contraire, et ils ont fragilisé les modérés, auxquels se sont substitués les extrémistes.

Les groupes syriens d’opposition modérée sont les victimes des deux camps rivaux pour la gestion de la crise. Une équipe souhaitant amoindrir les possibilités d’une solution politique. Une autre qui entend renforcer les groupes extrémistes pour parvenir à une victoire militaire rapide. Les deux ont prouvé leur échec. De même que les choses se sont faites plus claires aujourd’hui sur le terrain. Fragiliser les modérés a étendu le vide dans l’intérieur syrien et le régime, dans les faits, est presque tombé depuis 2012, incapable désormais de ne plus contrôler guère que les régions à loyauté confessionnelle, régions somme toutes assez limitées.

Al-Nosra est maintenant encerclée. Elle a donc orienté son action contre l’opposition syrienne, sous prétexte qu’elle pactise avec l’Occident contre elle. L’organisation a annoncé avoir mis la main sur 54 membres, prétendant qu’ils ont reçu une formation militaires en Turquie dans le cadre du programme américain. Al-Nosra affirme que les personnes capturées ont traversé la frontière pour venir les combattre eux et Daech. Que cette information soit vraie ou non, le nombre des personnes impliquées dans le programme américain n’atteint guère les 100 personnes, car la majorité de l’opposition l’a refusé, et les Américains ont eux aussi refusé bon nombre de candidats, de crainte de les voir se retourner contre eux et rejoindre les rangs des groupes d’oppositions armés.

Cet article a été traduit et édité par Syria Intelligence (Asharq al-Awsat, par Abderrahman Al-Rached, le 8 Août 2015)

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