
La Syrie sera entièrement reconnectée au système international de paiement Swift « d’ici quelques semaines », a annoncé Abdelkader Housrieh, le nouveau gouverneur de la Banque centrale syrienne au Financial Times dans une interview publiée lundi 9 juin. Cette annonce marque une étape majeure dans la réintégration économique du pays après quatorze ans d’isolement international provoqué par la guerre et les sanctions.
Ce retour au réseau Swift constitue la première avancée concrète dans le processus de libéralisation économique amorcé par le nouveau gouvernement syrien. Il s’agit d’une stratégie déterminée visant à attirer rapidement les investissements étrangers après la récente levée des sanctions américaines.
Lors d’un entretien à Damas avec le Financial Times, M. Housrieh a exposé une feuille de route ambitieuse pour restructurer les politiques monétaires et le système financier du pays. Son objectif est clair : relancer l’économie nationale dévastée par plus d’une décennie de conflits. La stratégie inclut la suppression des barrières commerciales, la réforme du secteur bancaire et la normalisation de la monnaie.
« Nous souhaitons renforcer l’image du pays comme centre financier régional en attirant des investissements étrangers dans la reconstruction et les infrastructures », a expliqué M. Housrieh. Il reconnaît cependant que beaucoup reste à faire malgré les progrès accomplis.
Depuis 2011, la Syrie a été coupée des marchés mondiaux après la guerre civile prolongée. Lorsque le gouvernement Assad a été remplacé par Ahmed al-Charaa et une alliance de groupes rebelles et djihadistes en décembre dernier, l’économie syrienne était au bord du gouffre.
Face aux doutes quant aux capacités de gestion de ce nouveau pouvoir composé principalement d’anciens rebelles et djihadistes, les dirigeants actuels ont rapidement mis en œuvre des réformes économiques libérales et affiché une volonté d’ouverture et de transparence. Cette approche a progressivement rassuré les investisseurs étrangers initialement réticents à collaborer avec une autorité issue d’un mouvement islamiste.
Le président intérimaire Charaa bénéficie aujourd’hui du soutien marqué des puissances internationales, notamment depuis la levée des sanctions américaines décidée récemment par Donald Trump. Toutefois, Abdelkader Housrieh insiste sur la nécessité d’une politique globale de levée des restrictions économiques.
Abdelkader Housrieh, expert financier ayant contribué sous Assad à l’élaboration de plusieurs lois financières, élabore actuellement un « plan de stabilisation » sur six à douze mois. Ce plan comprend notamment la refonte du cadre légal du secteur bancaire, la modernisation du système de sécurité sociale et un financement incitatif pour encourager les investissements des Syriens expatriés.
Le secteur bancaire syrien, fortement affecté par la guerre et les crises régionales, est au cœur de cette reconstruction. Le gouverneur entend mettre fin aux politiques interventionnistes de l’ère Assad en promouvant la recapitalisation des banques et une dérégulation encadrée pour restaurer leur rôle essentiel d’intermédiaire financier.
Selon lui, la réintégration dans le réseau Swift stimulera le commerce extérieur, réduira les coûts d’importation et facilitera les exportations. Elle permettra aussi de mieux contrôler les flux financiers internationaux et de réduire la dépendance aux réseaux informels.
Le nouveau cadre prévoit également que tous les échanges commerciaux internationaux transitent désormais par le secteur bancaire officiel, réduisant ainsi le recours aux changeurs informels. En parallèle, une institution publique garantira les dépôts des banques privées pour rassurer les investisseurs étrangers.
Bien que la livre syrienne ait connu une stabilisation relative après la destitution d’Assad, elle reste volatile. Le gouverneur a indiqué qu’une transition vers un régime de change flottant contrôlé est en cours pour uniformiser les taux de change officiels et informels.
Enfin, la Syrie, confrontée à d’immenses défis de reconstruction estimés à plusieurs centaines de milliards de dollars, sollicite le soutien d’institutions internationales comme le FMI et la Banque mondiale, ainsi que de partenaires régionaux. Récemment, l’Arabie saoudite et le Qatar ont effacé la dette syrienne auprès de la Banque mondiale et ont promis une aide financière directe. La Syrie explore également l’émission de soukouk (des certificats financiers islamiques comparables à des obligations mais conformes à la loi religieuse qui interdit les intérêts) pour financer sa reconstruction tout en respectant les principes financiers islamiques.