
Les premières élections tenues depuis la chute de Bachar al-Assad confirment la mainmise du président Ahmad al-Charaa sur les institutions. Les femmes et les minorités y sont marginalisées.
Les premières élections parlementaires organisées depuis la chute de Bachar al-Assad ont débouché sur un Parlement largement homogène et acquis au pouvoir. Selon les résultats préliminaires publiés lundi, le nouveau parlement compte 119 députés, dont à peine six femmes et dix représentants issus des minorités turkmène, kurde, alaouite et chrétienne sur un total prévu de 210 sièges. Les 70 restants doivent être nommés directement par le chef de l’État dans les prochains jours, a rapporté Reuters.
Les gouvernorats de Soueïda, Raqqa et Hassakeh, à majorité druze et kurde, ont été exclus pour des « raisons de sécurité ». Les 21 sièges correspondant à ces régions resteront vacants pour une durée indéterminée, accentuant encore la marginalisation des minorités.
Un Parlement uniforme et sous tutelle
Les résultats traduisent un déséquilibre profond dans la représentation nationale : seules six femmes ont été élues et à peine une dizaine de députés appartiennent aux minorités alaouite, chrétienne, kurde ou turkmène. Le reste du Parlement est composé d’hommes sunnites issus de milieux religieux et tribaux, selon plusieurs observateurs.
Mohamed Zuaiter, ancien député alaouite opposé au gouvernement Assad, a estimé dans les colonnes de The National que « ces élections représentent une victoire écrasante des candidats religieux et tribaux sur la composante civile de la Syrie ». Selon lui, le président « a assuré sa mainmise sur l’avenir politique du pays », alors qu’une nouvelle Constitution et une série de lois devraient bientôt être adoptées par une assemblée entièrement loyale.
Un vote sans électeurs
Le scrutin n’a impliqué qu’un corps électoral restreint : 6 000 membres de collèges soigneusement sélectionnés ont été autorisés à voter. Les citoyens ordinaires, eux, ont été exclus du processus.
La veille du vote, Associated Press rapportait que nombre de Syriens ignoraient même qu’un scrutin devait se tenir. Aucun panneau électoral, aucun débat public, aucune affiche de candidat n’étaient visibles dans les rues de Damas.
Nawar Najmeh, porte-parole de la commission électorale, a reconnu que la représentation féminine « n’était pas à la hauteur » et que seuls deux chrétiens avaient été élus, invoquant des « tactiques et alliances électorales ».
Un observateur cité par Reuters a décrit le nouveau Parlement comme « majoritairement sunnite et masculin », relevant que le délai de recours – fixé à 17 heures – « limitait toute possibilité d’objection ».
Lors d’une visite dans un centre électoral dimanche, Ahmad al-Charaa a défendu le scrutin, le présentant comme un « processus adapté à la phase que traverse la Syrie », et un instrument de transition destiné à « adopter les réformes et les budgets nécessaires ».
Les précédents parlements, déjà subordonnés au pouvoir exécutif, apparaissent aujourd’hui encore plus dépendants.