
Pour la première fois depuis l’indépendance syrienne en 1946, un président syrien s’est rendu à Washington. La visite d’Ahmad al-Charaa – ancien chef d’Al-Qaïda devenu chef de l’État – a débouché sur une prolongation de la suspension des sanctions américaines prévues par la loi César et sur une intégration officielle de Damas dans la coalition internationale anti-Daech.
Le chef de l’État syrien, Ahmad al-Charaa, s’est rendu le 10 novembre à Washington pour une série d’entretiens d’une portée inédite. Reçu à la Maison Blanche par le président Donald Trump, il a également rencontré plusieurs responsables du Fonds monétaire international (FMI), dont la directrice générale Kristalina Georgieva.
Cette visite, la première d’un dirigeant syrien aux États-Unis depuis près de huit décennies, constitue un tournant majeur dans les relations bilatérales après quatorze années de conflit et de sanctions occidentales contre Damas.
Au terme de ses discussions, M. Charaa a obtenu une nouvelle prolongation de la suspension des sanctions imposées par le « Caesar Act », gelées pour la première fois au printemps. Washington a reconduit ce moratoire jusqu’en mai, une étape supplémentaire vers une éventuelle levée complète du dispositif.
Un repositionnement stratégique assumé
Dans un entretien accordé à Fox News, le président syrien a plaidé pour une « normalisation » des perceptions américaines à l’égard de son pays :
« La Syrie n’est plus une menace sécuritaire mais un allié géopolitique potentiel, un territoire où les États-Unis peuvent investir, notamment dans le secteur gazier », a-t-il déclaré.
Au Washington Post, il a affirmé que Donald Trump « soutient la stabilité et l’intégrité territoriale de la Syrie », ainsi que « la levée totale des sanctions ». La plupart des élus du Congrès rencontrés durant sa visite, a-t-il ajouté, se seraient déclarés favorables à un allègement substantiel des mesures punitives visant Damas.
Les sanctions américaines et européennes ont lourdement contribué à l’effondrement économique syrien depuis 2011, entravant l’aide humanitaire et aggravant les pénuries généralisées.
Trump salue un “homme de caractère”
Face à la presse, Donald Trump a défendu cette réorientation diplomatique :
« Nous ferons tout pour que la Syrie réussisse. La paix règne désormais au Moyen-Orient », a-t-il assuré, qualifiant M. Charaa « d’homme de caractère issu d’un milieu difficile ».
Sur les réseaux sociaux, le président américain a affirmé vouloir rencontrer à nouveau son homologue syrien dans les prochains mois.
Charaa a lui-même indiqué que son passé militant au sein d’Al-Qaïda et de l’État islamique d’Irak – avant la création du Front al-Nosra en Syrie en 2012 – « n’a pas été abordé » avec Donald Trump.
Ralliement à la coalition anti-Daech
À l’issue de la rencontre, un porte-parole américain a annoncé l’adhésion officielle de la Syrie à la coalition internationale anti-EI dirigée par les États-Unis. Cette alliance avait notamment conduit, en 2014, à l’occupation par Washington de plusieurs champs pétroliers syriens.
Simultanément, les forces de sécurité de Damas ont lancé une vaste opération contre des cellules présumées de l’organisation État islamique – une initiative que certains observateurs jugent destinée à renforcer la crédibilité du revirement syrien.
Rencontres avec le FMI et exigences américaines
La directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, a salué la rencontre :
« Ce fut un privilège d’accueillir le président Ahmad al-Charaa. Nous avons évoqué les transformations économiques indispensables au peuple syrien et entreprises par son gouvernement. »
Selon des sources diplomatiques, Damas espère désormais franchir une étape décisive vers la levée intégrale des sanctions occidentales.
Cette ambition s’inscrit cependant dans un contexte de répression accrue : depuis l’an dernier, le gouvernement syrien a procédé à des arrestations visant des membres de groupes palestiniens autrefois protégés sur son territoire, mesure figurant parmi les conditions exprimées par Washington début 2025.
Parallèlement, des organisations de défense des droits humains accusent les forces loyales à M. Charaa d’exactions contre des civils alaouites et druzes, ainsi que d’enlèvements de jeunes femmes – des violations que Damas rejette en bloc.
