La Syrie et l’Egypte font face à un ennemi commun : les Frères musulmans

Après sa fameuse visite en Arabie saoudite, le Président du Bureau de la Sécurité nationale syrien, le général Ali Mamlouk est au Caire, où il rencontre le Président égyptien Abdelfattah Al-Sissi. La visite s’est accompagnée d’une ouverture médiatique égyptienne vis-à-vis de Damas, qualifiée de « réussie », avec l’affirmation que les deux parties « sont satisfaites de ses résultats ».

Quelque chose a changé dans le paysage syrien dans le dernier quart d’heure avant de s’asseoir à la table des négociations irano-américaines qui porteront sur les dossiers de la région, après l’obtention de l’accord sur le nucléaire iranien : un accent européen assoupli, exprimé par Madrid, Vienne, Paris et Londres sur un assentiment à un rôle dévolu au Président syrien Bachar Al-Assad dans le cadre de toute solution politique, après des années d’entêtement ; une évolution de la position russe sur la déclaration au grand jour concernant l’armement de l’armée syrienne pour combattre le terrorisme, jusqu’à une présence militaire directe ; la reconnaissance par le ministre saoudien des Affaires étrangères Adil Al-Joubeir de l’échec du roi Salman ben Abdelaziz dans ses tentatives de convaincre le Président américain Barack Obama à l’égard de la crise syrienne.

Dans le même temps, d’autres Etats arabes s’essayent à des pas d’ouverture en direction de la Syrie. Après la dernière déclaration de Tunis sur une reprise des relations diplomatiques, le Caire a élevé les contacts avec Damas au niveau présidentiel.

Dans le dernier tiers du mois d’août dernier, le Président du Bureau de la Sécurité nationale syrien le général Ali Mamlouk a visité le Caire loin des caméras, où il a rencontré nombre de hauts responsables de l’armée et des services de renseignements et de sécurité égyptiens. La visite a été couronnée par une rencontre avec le Président égyptien Abdelfattah Al-Sissi. Des sources bien informées ont affirmé à Al-Akhbar que la visite «  a été très réussie » et que les deux parties sont « satisfaites de ses résultats ».

D’aucun sait que la coordination sécuritaire entre les deux pays n’a pas connu de coupure même sous le gouvernement du président frériste Mohammad Morsi, et même si la direction politique des Frères musulmans n’était pas mise au courant, les instances militaires égyptiennes comprenaient « l’importance stratégique de la Syrie ». La visite de Mamlouk intervient cependant dans un contexte différent dicté par la position de l’homme et son rôle politique, qui dépasse la coordination sécuritaire d’un point de vue purement technique. Al-Akhbar a pu savoir via des sources bien informées que le visiteur syrien a examiné avec ses hôtes égyptiens la coopération sécuritaire entre les deux pays pour faire face au terrorisme, ainsi que les horizons d’une solution politique en Syrie, les initiatives posées çà et là, le plan de l’émissaire onusien Steffan Di Mistura, ou encore les efforts pour organiser Genève III. Il a été convenu de « la nécessité que l’Egypte joue un rôle dans l’affaire syrienne, avec ce que la Syrie représente en terme de profondeur stratégique pour la sécurité nationale égyptienne ».

Selon les dites sources, Mamlouk a entendu des responsables égyptiens l’assurance que le Caire considérait que la solution de la crise syrienne ne pouvait qu’être politique et qu’il considérait que « les deux pays font face à un ennemi commun représenté par les Frères musulmans (et implicitement la Turquie), qui constitue un péril pour l’Egypte, plus encore que pour la Syrie ». Les responsables égyptiens ont informé leur invité syrien que le Caire « croit en ce que l’ordre dans leur deux pays prend pour base la force de leur armée, qui vaut comme base fondamentale pour gouverner », et ne souhaiterait donc pas voir réitérée en Syrie les expériences irakienne et libyenne, et « tant que l’armée fait preuve de cohésion, l’Etat syrien restera debout, et tout effondrement de l’armée signifiera que nous sommes entrés dans l’ère des partitions régionales. C’est pourquoi il faut faire face à la partition en commençant en Syrie ».

Al-Akhbar a pu savoir qu’il a été convenu pendant la visite d’une réactivation des relations diplomatiques entre les deux pays, avec nouvel échange d’ambassadeurs prochainement, en sachant que des sources ont dernièrement indiqué que le Caire était prêt à nommer le diplomate Ahmad Helmi – qui faisait partie de l’équipe diplomatique à Beyrouth – au poste de Consul général d’Egypte en Syrie.

Damas avait rappelé son ambassadeur, Youssef Al-Ahmad, du Caire en février 2012, après que l’Egypte eût convoqué son homologue en Syrie Chawqi Ismaïl pour concertation, dans un contexte de siège diplomatique imposé à la Syrie par des Etats arabes et occidentaux, aux premiers desquels l’Arabie saoudite et les pays du Golfe, sous prétexte « qu’elle refuse de se soumettre aux résolutions de la Ligue arabe pour résoudre la crise ». Les sources ont assuré que l’instance militaire égyptienne avait opposé son refus face à la décision du gouvernement de Morsi, la considérant comme « allant à l’encontre des convictions militaires égyptienne, selon lesquelles la défense de l’Egypte commence depuis la Syrie ». Al-Ahmad – par la suite nommé membre de la direction nationale du parti Baas – a été chargé de suivre les affaires égyptiennes depuis Damas.

Le Président Bachar Al-Assad avait insisté lors d’une interview avec la chaîne Al-Manar le 25 août dernier sur le fait que « ce sont les relations entre la Syrie et l’Egypte qui créent un équilibre sur la scène arabe » et que la Syrie « croit qu’elle se trouve dans la même tranchée que l’armée et le peuple d’Egypte dans le combat contre le terrorisme ». Il a attiré l’attention sur le fait que les contacts entre les deux pays « sont directs et au niveau de responsables importants », particulièrement « sécuritaires ». Il a assuré « que nombre d’institutions en Egypte ont refusé la rupture des relations, et les communications ont continué. Nous entendions de leur part un discours patriotique et national amical ».

Parallèlement à la visite de Mamlouk au Caire, une ouverture médiatique égyptienne est à noter en direction de Damas, et qui s’est manifestée par la visite d’une grande délégation médiatique, en coordination avec le Ministère égyptien des Affaires étrangères le 20 août dernier, dans la capitale syrienne, où elle a rencontré bon nombre de responsables et a parcouru plusieurs gouvernorats syriens. Pendant la visite, le ministre des Affaires étrangères Walid Al-Mouallem avait effectué des entretiens avec des directeurs de rédaction de quotidiens égyptiens, ainsi qu’avec la chaîne An-Nahar, dans ce qui constitue la première apparition d’un responsable syrien à la télévision égyptienne depuis cinq ans. Al-Mouallem avait appelé le Caire à jouer un rôle dans la crise syrienne, et avait révélé la présence d’une coordination sécuritaire commune pour combattre le terrorisme, s’en prenant à la Turquie et aux Frères musulmans. La visite avait suscité le courroux de Doha, qui avait lancé, via sa chaîne Al-Jazeera, des piques acerbes à l’encontre du Caire.

Mamlouk s’est rendu à Mascate

Al-Akhbar a pu savoir que le Président du Bureau de la Sécurité nationale syrien le général Ali Mamlouk avait visité Mascate dernièrement dans le cadre de la recherche d’un rôle omanais pour fournir un effort arabe sérieux d’une solution politique à la crise politique syrienne.

Le ministre syrien des Affaires étrangères avait également visité Mascate au début du mois d’août et avait rencontré son homologue omanais Youssef ben Alawi. La visite d’Al-Mouallem dans le sultanat d’Oman était la première d’un responsable syrien dans un pays du Golfe depuis le déclenchement de la crise syrienne, sachant que Mascate n’a pas rompu ses relations diplomatiques et politiques avec Damas.

Cet article a été traduit et édité par Syria Intelligence (Al-Akhbar, par Wafiq Qansoh, le 11 Sept. 2015)

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